Le vaccin BCG contre le COVID 19 ?
Une équipe de l’institut technologique de New York a publié le 28 Mars une étude épidémiologique sur le possible effet protecteur du vaccin BCG contre le COVID-19.
Le vaccin BCG (Bacillus Calmette–Guérin)
C’est le vaccin anti-tuberculose dont l’effet protecteur contre les infections non tuberculeuses est bien connu . En effet, ce vaccin agit en induisant une « immunité innée entraînée » en stimulant la mémoire de l’immunité innée , première ligne de défense face à une infection. Ce mécanisme aide à reconnaitre le virus plus rapidement, déclenchant ainsi une réponse inflammatoire plus rapide, nécessaire pour l’activité antivirale.
L’étude
Il s’agit d’une étude de corrélation entre les taux de mortalité des personnes infectées par le COVID-19 d’un côté et les politiques de vaccination BCG, dans des pays ayant plus d’un million d’habitants d’un autre côté. Les pays inclus dans l’étude ont été divisés en trois catégories sur la base du revenu national brut par habitant (RNB par habitant).
L’étude a montré que la plupart des pays avec un faible RNB par habitant (17/18) ont adopté une politique de vaccination BCG généralisée et ont de faibles taux de personnes infectées et de mortalité dus au COVID-19. Ces pays ne sont pas inclus dans la suite d’analyses statistiques. L’analyse statistique a montré que les taux de personnes infectées et de mortalité dans les pays à revenu intermédiaire ou élevé ayant une politique de vaccination BCG généralisée (55 pays) sont plus faibles que dans les pays n’ayant jamais mis en place cette politique (5 pays).
Les chercheurs ont exploré l’hypothèse selon laquelle les taux de mortalité seraient liés à la date de la mise en place de la politique de vaccination. Les analyses effectuées pour vérifier cette hypothèse ont porté sur des pays à revenu intermédiaire ou élevé ayant une politique de vaccination généralisée (28 pays) ou ayant mis fin à cette politique (17 pays). Les résultats ont montré que les pays ayant mis en place une politique de vaccination plus tôt (comme le Japon en 1920) ont des taux de mortalité dus au COVID-19 moins importants que les pays ayant mis des politiques tardivement (comme l’Iran en 1984).
Conclusions de la cellule de recherche du parti des travailleurs
Cette étude lance une nouvelle piste pour la recherche anti-COVID-19. Cependant, quelques limites méthodologiques sont à noter, notamment l’absence de certains paramètres importants comme :
- Le nombre de tests : ce paramètre influence directement le nombre de cas de COVID-19 déclarés.
- La politique de lutte suivie par les différents pays
- L’effet de la souche du vaccin BCG : le vaccin BCG est préparé à partir de bactéries atténuées. Plusieurs souches sont utilisées à travers le monde. L’immunogénicité du vaccin peut varier d’une souche à une autre, immunogénicité voulant dire la capacité d’un antigène à induire une réponse immunitaire chez un individu donné et dans des conditions appropriées.[1]
- L’état et la nature du système de santé qui diffère d’un pays à l’autre et qui a un impact sur la mortalité par le COVID-19
- La date de début de l’épidémie ou l’avancement de l’épidémie
- La prévalence de maladies chroniques considérées comme facteur à risque dans le cas du COVID-19
Les résultats de cette étude ont été confirmés par une deuxième étude épidémiologique publiée le 6 Avril. Cette étude a évalué l’association entre l‘utilisation du BCG et la mortalité attribuable au COVID-19 en intégrant 3 paramètres : la situation économique du pays (PIB par habitant), la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans dans la population et l’avancement de l’épidémie. Les résultats montrent que les taux de mortalité attribuables au COVID-19 sont 5,8 fois plus faibles dans les pays appliquant une politique de vaccination BCG que dans les pays n’ayant pas adopté cette politique.
Il important de souligner qu’il s’agit ici d’études épidémiologiques observationnelles et non pas d’essais cliniques pouvant confirmer l’effet préventif du vaccin BCG. Il faut aussi noter qu’aucune preuve moléculaire ou immunologique n’a été avancée. Des essais cliniques sont lancés au Pays Bas et en Australie, dont l’essai clinique « the BRACE trial » . Cet essai va évaluer l’efficacité du vaccin BCG dans la prévention du COVID-19 sur 4170 personnels soignants (considérés les plus à risque de contracter le virus). La France et l’Espagne sont également en train de préparer des essais cliniques pour tester l’efficacité de ce vaccin.
Le contexte tunisien
La vaccination contre le BCG a démarré en Tunisie en 1928. Depuis 2006, ce vaccin est inoculé en dose unique à la naissance ,7. On estime le taux de couverture vaccinale à95%8 de la population. Pour comprendre l’effet protecteur du vaccin en Tunisie, des tests sérologiques BCG pourraient être effectués systématiquement sur les patients atteints de COVID-19. Une étude pourrait évaluer ainsi la corrélation entre les résultats des tests sérologiques et l’évolution de la maladie chez des patients atteints de COVID-19. Les résultats de cette étude pourraient nous aider à moduler la politique de lutte contre le COVID-19.L’Afrique n’est pas le laboratoire de l’Europe !
Le 1er Avril 2020, un échange dans l’émission LCI « Tout info » a suscité l’indignation.
Deux médecins, dont le Pr Jean-Paul MIRA (directeur de recherche INSERM et chef de service de réanimation à l’hôpital Bichat à Paris), ont suggéré de tester le vaccin BCG en Afrique avant de lancer les essais en Europe, sans avancer de raisons scientifiques valables.
Les études statistiques que nous citons ci-dessus nous laissent penser que l’essai clinique devrait être effectué plutôt chez des populations non immunisées contre le BCG. Or, la majorité des Etats africains ont des politiques de vaccination BCG généralisées (voir : The BCG WORLD ATLAS). Cependant, une grande partie des pays européens ont interrompu ou n’ont jamais mis en place cette politique. A titre d’exemple, la France a arrêté la vaccination BCG en 2007.Pour la cellule de la recherche scientifique du Parti des Travailleurs
Nada Amroussia (Docteure en pharmacie)
Walid Bedhiafi (Docteur en Bioinformatique)Notes et références
1https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.24.20042937v1
2https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6896902/
3Mécanisme de protection immunitaire non spécifique, qui agit au début de l’infection
4Le RNB par habitant est inférieur à 1 025$/an
5Le RNB par habitant est situé entre 1 026$/an et 3995$/an
6Le RNB par habitant est supérieur à 3996$/an
7https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-2-8178-0037-0_3
8https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.01.20049478v1?fbclid=IwAR2twq-Y9RJy0hxMZ9t49_ERdDMSC3_4Ua5IGYoMNLN2r3orJ1rwMjyoRsQ
9https://www.mcri.edu.au/BRACE?fbclid
10http://www.santetunisie.rns.tn/images/docs/anis/actualite/2019/Mars/calendrier-de-11vaccination-avril-2019F.pdf
12 http://www.latunisiemedicale.com/article-medicale-tunisie_3458_fr